mardi 22 avril 2008

Prise d'eau, taches

Vous constaterez que - en plus de me livrer à de douteux jeux de mots dignes de plaisanteries alsaciennes après ingurgitation de Schnaps - je n'arrive décemment pas à respecter cette momentanée période de fermeture du Bistrot des Epinards, précédemment décrétée le 14 avril.
Je vous prie de croire que ladite annonce n'était point dictée par quelque besoin publicitaire, mais relevait bien d'une sage décision préventive, dans la mesure où une certaine charge de devoirs professionnels déployée à mon encontre était susceptible de perturber le paisible service de cet honnête établissement virtuel.

En effet, pour être tout à fait franc, je dois vous avouer que le stress lié au surplus de travail déclenche en moi une incontournable et honteuse impuissance épistolaire.
En d'autres termes - fierté masculine oblige - je craignais fermement devoir me présenter face à vous avec la verve molle.

Il se produit malgré tout sur cette planète - parfois même à quelques pâtés de maisons ou terrines de tentes Quechua - de singuliers événements qui nécessitent l'immédiate publication de précieux témoignages destinés à nous faire profondément réfléchir sur les nombreux pièges et dangers occasionnés par l'expansive modernité de notre monde.

Soyez-en persuadés, votre serviteur a de son côté récemment vécu une expérience des plus traumatisantes, que je me dois de vous révéler de manière plutôt brutale :
j'ai été pris en otage dans mon propre appartement.
C'est donc en toute exclusivité que je vous relate le récit de cette épique mésaventure.
Au cours de la journée d'hier, alors que, tel un pseudo-César lessivier, j'avais augustement décidé de livrer aux jeux de mon lave-linge mes deux pantalons à usage régulier, je me suis rendu compte un peu tardivement que mes quelques vêtements de rechange se trouvaient toujours dans le garage de l'immeuble, situé quelques étages plus bas, alors que j'entamais pourtant mon cinquième mois d'occupation de ces lieux et que, par conséquent, j'aurais dû être dégagé de toute obligation d'emménagement.

Vous n'êtes pas sans savoir que lorsqu'on habite un modeste logement (que les agences de location se complaisent à dénommer coquet appartement pour duper les gens de mon espèce, davantage inspirés par la notion de coquetterie que par la taille de la chaudière), on se retrouve dans la cruelle incapacité d'y incorporer un congélateur, un baby-foot, un partenaire sexuel, et surtout un sèche-linge.

J'ai donc dû passer de longues heures prostré sur une moquette jeune mais grisonnante, vêtu d'un simple caleçon bordé par les conséquences de ma quarantaine naissante, tapi dans l'ombre de ces dernières, et rongé par la crainte de recevoir la moindre visite du facteur ou quelque convocation d'ordre professionnel.

Bien que n'étant aucunement coutumier des commémorations de tout poil, soyez toutefois assurés que je ne manquerai pas de célébrer, l'année prochaine, le 220ème anniversaire de la révolution des sans-culottes.

jeudi 17 avril 2008

Heures de colle

Afin d'aérer pendant quelques instants ces lieux provisoirement clos et d'égayer votre quotidien que je devine parfois morne, il me prend l'envie en ce jour de partager avec vous cette légère comptine écrite par René de Obaldia en 1969, qui a sans nul doute dû inspirer les érotiques carrières de Clara Morgane et certaines de ses consœurs (et qui devrait réveiller les envies gourmandes de notre amie Constance Prunier) :

J'ai trempé mon doigt dans la confiture,
Turelure.
Ça sentait les abeilles,
Ça sentait les groseilles,
Ça sentait le soleil.
J'ai trempé mon doigt dans la confiture,
Puis je l'ai sucé
Comme on suce les joues de bonne Grand-maman
Qui n'a plus mal aux dents
Et qui parle aux fées...
Puis je l'ai sucé,
Sucé,
Mais tellement sucé
Que je l'ai avalé.

Cette sympathique poésie apprise innocemment en classe de CM2 m'est brutalement revenue à l'esprit, bien que m'étant livré à l'époque à une consciencieuse auto-thérapie visant à éradiquer tout cauchemar lié à cette effroyable vision de phalanges avalées.
Je devais hélas replonger quelques années plus tard dans ces mêmes tourments, après avoir découvert le fameux documentaire balnéaire réalisé par Steven Spielberg dévoilant les terribles rouages de la chaîne alimentaire maritime, qui nous permettent toutefois aujourd'hui de dénicher sereinement quelques mètres carrés destinés à étaler notre serviette de bain sur la plage des Sables d'Olonne, quand le sournois cargo Artémis ne s'y trouve pas.

Après une point trop mûre réflexion, il me semble avoir compris la raison d'un tel impromptu souvenir.

Il y a deux jours, j'ai renversé une bière sur mon clavier.
Mais tellement renversée,
Que j'ai dû le remplacer.
Je dois admettre que cette anecdote est nettement moins poétique que les écrits de Monsieur de Obaldia, mais je confesse haut et fort qu'il est prodigieusement frustrant de pianoter sur un clavier dont plus de quinze touches se retrouvent cruellement collées à leur socle, et par conséquent hors d'usage.
Frustrant incident, en effet, lorsqu'on n'a plus la chance d'être un jeune écolier français...

lundi 14 avril 2008

Pause

Nous informons notre aimable clientèle que le Bistrot des Epinards sera fermé jusqu'au 30 avril inclus.

Nous assurerons toutefois le service dès le premier mai, dans la mesure où il nous prend rarement l'envie de fêter le travail sous toutes ses formes.

Nous vous remercions de votre fidélité et vous disons Ken emberr.

mercredi 2 avril 2008

Héron, héron...

Si mon âge semi-avancé me permet aujourd'hui de vous parler d'un temps que les moins de vingt ans et certains habitants du Poitou privés d'ondes hertziennes ne peuvent pas connaître, celui-ci m'autorise également à révéler à qui de droit que la culture humoristique est à ce jour aussi présente dans les media français que la descendance de l'ourse Cannelle dans les Pyrénées.
Sachez qu'à l'époque où je m'évertuais à assembler péniblement les gadgets de Pif-le-chien-bolchevik, j'étais très friand des prodigieux efforts déployés par les journalistes de la presse écrite et audiovisuelle qui glissaient régulièrement - et de manière si subtile - de croustillants canulars au sein de leurs articles et journaux télévisés dès l'aube de chaque premier avril.
Je me souviens aujourd'hui encore de ce sympathique exercice cérébral, qui n'avait d'égal que nos toutes premières stratégies de joueurs d'échecs en herbe, quand la position de notre dame blanche soumise à un prompt roque de l'adversaire nous excitait davantage que celle de toute opaline demoiselle soumise au tout aussi prompt Rocco Siffredi.

Force est de constater qu'en ces jours de disette intellectuelle, le fameux héron décrit par Jean de la F. dans l'une de ses fables ne se contenterait fatalement que du premier vulgaire poisson pané venu.
En effet, dans la journée d'hier, lors de la diffusion par M6 du glutineux "Six minutes" - qui en compte d'ailleurs au moins cinq inutiles - la représentante des produits Yves Rocher déguisée en journaliste a conclu sa prose télépromptée par une excessivement poisseuse badinerie, avant de laisser échapper un irrésistible pouffement, joliment assorti à sa charmante prestance de serveuse de boîte de nuit de banlieue.
Je ne perdrai toutefois pas mon précieux temps à vous dresser le moindre résumé de cette indigeste imposture, qui a tout de même dû faire frémir des cargos entiers de pêcheurs de bâtonnets mous.

Que l'on me fournisse un seau, par pitié.
Ou un pic à glace.
Mais je laisserai le soin à ces immondes tortionnaires du bon goût intellectuel de boire seuls leur Champagne définitivement tiède.