samedi 28 novembre 2009

De l'œuf ou de la poule

Chers consommateurs aguerris ou regrettées victimes d'impitoyables guerres des prix, vous n'êtes pas sans savoir que l'Union Européenne veille religieusement sur vous afin de vous éviter toute pensée saugrenue ou tout faux pas lors de vos incursions consommatoires.

Il n'est pas utile de vous rappeler que, grâce à d'ingénieuses propagandes publicitaires et annotations discrètes, vous avez dorénavant conscience qu'il est dangereux - voire mortel - de consommer certaines substances à la louche, telles que : huile, sucre, sel, alcool, et viande non halal.

Cela étant, vous étiez déjà coutumiers de la récurrente mention "suggestion de présentation" appliquée sur tout aliment conditionné, visant à culpabiliser quelque famille Thénardier vouée à servir un cassoulet à mains nues et crasses à même le sol à sa misérable progéniture, ou à interpeller quelque gourde poitevine radicalement persuadée que l'assiette en porcelaine de Limoges figurant sur l'étiquette était incluse dans l'emballage en fer-blanc.

Etant moi-même de temps à autre sensible à certaines campagnes d'information rébarbatives, il m'est arrivé récemment d'acheter des œufs fièrement pondus dans un proche périmètre, persuadé à force d'intoxication médiatique que de viles exotiques gallinacées sans le moindre scrupule abusaient de moyens excessivement pollueurs afin d'envahir notre saine patrie pour nous infliger le spectacle de leur postérieur et nous en solder le contenu avarié ou radioactif.

Je ne fus donc globalement pas surpris à la vue de cette première étiquette :













Hormis le singulier slogan "l'œuf de tous les plaisirs" (qui me rappelait indéniablement une scène torride du film "L'Empire des Sens"), j'y retrouvai tous les éléments justifiant la sacro-sainte mention "suggestion de présentation" : la ciselure quasi-parfaite du sommet de l'œuf, ainsi que le joli coquetier non fourni, de facture bretonne traditionnelle et non datée, contrairement à son contenu.

L'étiquette apposée sur un achat similaire effectué la semaine suivante se révéla toutefois nettement plus ambiguë :













J'avais bien conscience que l'emballage ne contenait pas de coquet poulailler en kit, mais ce nouveau titre conjugué à la présence de cette volaille me laissaient fort perplexe.
La mention légale sous-entendait néanmoins que le produit figurait bien sur l'étiquette.

Je décidai alors de couver consciencieusement cette insolite boîte à œufs.

Hélas, à ce jour, je ne revendique toujours pas la moindre paternité, mais je vous prie de croire que les senteurs qui émanent de ma cuisine sont dorénavant bien celles d'une basse-cour.

dimanche 15 novembre 2009

Extraction identitaire

Chers voyageurs expatriés, rapatriés ou simplement mal triés, à l'heure où la notion d'identité nationale délie les langues sans pour autant en améliorer la qualité orthographique ou grammaticale, il me semble opportun d'évoquer ici certaines motivations qui ont guidé mes choix géographiques lors de cette dernière décennie.

Oui, Mesdames et Messieurs les Jurés, je l'avoue : j'ai choisi, il y a quelques années, de vivre en ces lieux, captivé par les charmes légendaires de la Bretagne, de même que par ceux - non moins discrets - d'une Alsacienne exilée.
Oui, je me souviens avoir bravé avec un sourire non feint les effluves écœurants des galettes-saucisses lors des trop nombreuses soirées de rencontres footballistiques.
Oui, je reconnais avoir affiché ce même sourire à la lecture des réguliers faits divers mentionnant les promenades automobiles de personnes âgées à contre-sens sur les autoroutes bretonnes.
Oui, j'admets m'être aussi délecté d'espèces piscicoles en voie d'extinction.
Mais sachez, Mesdames et Messieurs les Jurés, que je conserverai définitivement en mémoire cette délicieuse excitation liée aux ambiances festives des petits bars rennais du centre-ville, ceux-là même qui parsemaient ou jouxtaient la rue de la Soif que l'on croyait aussi immortelle que pittoresque, lors de cette belle époque où les fumeurs - constituant alors l'écrasante néanmoins cohérente majorité de leur clientèle - étaient les bienvenus.

Oui, j'ai adoré fusionner avec cette culture identitaire.

Aujourd'hui, la chaîne télévisuelle anémique française numérotée 6 a diffusé son émission phare "Un dîner presque parfait" récemment tournée en environnement rennais, présentant judicieusement des spécialités culinaires polonaises, allemandes, et sénégalaises.

Aujourd'hui, la ville de Rennes rachète les bars de cette fameuse rue de la Soif pour en limiter les opportunités de festivité nocturne.
Ouest-France

Aujourd'hui, à l'heure où l'on envisage de jouer du biniou au sommet des minarets jaillissants et boire aimablement du thé aux heures convenables dans les ruelles autrefois folkloriques, je fais appel aux Déménageurs bretons... avant qu'ils ne changent de couvre-chef, eux aussi.

mercredi 4 novembre 2009

Le corbeau et le renard

Chers demandeurs d'emploi et autres fanatiques d'idées saugrenues, je vous suggère aujourd'hui de saluer le dernier grand vainqueur du Palmarès des Lois Imbéciles nées du désormais célèbre besoin français de victimisation, avidement entretenu par les glorieuses associations de défense de la non-socialisation.

J'ai nommé : le CV anonyme.

Remémorons-nous les faits : depuis 25 ans, en France, grâce à une exclusive et virulente milice associative, il nous est possible d'associer échec et discrimination.
A ce jour, les champs de ladite discrimination sont solidement ancrés, et regroupent principalement : origine ethnique, patronyme, handicap, poids, âge, orientation sexuelle, et religion. Malgré tout, grâce à certains élans de générosité visant de temps à autre à rendre la discrimination accessible à tous, il a été récemment permis aux personnes ne souffrant pas de pathologies liées à ces champs précités d'invoquer la notion de crise pour pardonner légitimement leurs divers insuccès sociaux-professionnels.
Rappelons d'ailleurs que la crise représente encore à ce jour le joker par excellence, applicable à toutes les tranches de la société, et pouvant même parfois disculper l'auteur de tout acte de malveillance, voire de toute agression physique ou atteinte à la personne. Dans ces derniers cas, nous invoquerons lors d'un éventuel jugement l'ultime terme à la mode : l'acte désespéré.
Exemple : "Après l'annonce de la liquidation judiciaire de l'usine dans laquelle il travaillait depuis 5 ans (et demi), André a commis l'acte désespéré de violer la fille de 12 ans (et demi) de son patron."

Soulignons le fait que ces applications ne représentent heureusement qu'une exception française.

Pour en revenir à nos moutons tricolores, le CV anonyme, malgré son inquiétante appellation, n'a strictement rien à voir avec la lettre anonyme, récemment remise au goût du jour depuis le dernier anniversaire de l'éternellement ressuscité petit Grégory.
D'une part, le CV anonyme est rarement accompagné d'une balle de 9 mm, et ne nécessite d'autre part aucune manipulation scientifique pour y effectuer quelque prélèvement d'ADN. En règle générale, son intention ne vise principalement qu'à culpabiliser aimablement toute entreprise n'ayant pas encore dissimulé son chiffre d'affaires, toute crapuleuse exploitation humaine, donc, dont le responsable, communément appelé patron voyou, sera par la suite kidnappé puis lynché en place publique comme il se doit.
Cela étant, le problème s'avère bien plus complexe.
Si l'on en croit les précieuses recommandations de ces défenseurs de l'intégration par le chantage, le CV anonyme ne doit faire apparaître ni la représentation photographique du demandeur, ni son réel patronyme, ni son âge, ni par conséquent les dates de présence dans les entreprises précédemment fréquentées.
Il en découle que le fait de mentionner lesdites entreprises devient également problématique, celles-ci étant en mesure d'effectuer toute odieuse délation quant au comportement et l'identité du demandeur. Enfin, si l'on poursuit cette prodigieuse logique, le simple fait pour le postulant d'appeler l'employeur potentiel en vue d'un entretien est également à proscrire, et, dans ces conditions, se rendre au travail aussi, finalement.

Cependant, fort heureusement pour les farouches cerbères de cette fumisterie nationale, il existe dans ce pays le fabuleux principe du quota, qui a pu supplanter radicalement celui de la compétence.

A ce jour, étant moi-même entrepreneur, j'avoue honteusement ne pas avoir recruté la moindre femme musulmane obèse de plus de 50 ans, susceptible de manier une tablette graphique avec la bouche, et qui me promettra surtout de ne pas porter plainte contre cette dernière pour harcèlement sexuel.

Eh bien soit, mon activité sera donc surtaxée une fois encore, cette année.

dimanche 1 novembre 2009

Rot movie

Chers visiteurs ectoplasmiques, je vous le demande : quelle meilleure période que celle de la fête des morts aurais-je pu choisir pour effectuer une si soudaine résurrection en ces lieux ?
J'entends déjà quelques râles lointains me reprochant d'une part d'entretenir ce blog comme une vulgaire sépulture en fin de concession, et d'autre part de n'effectuer un vif retour virtuel qu'en cas d'augmentation du prix des cigarettes en France.
Eh bien détrompez-vous, médisantes créatures d'outre-tombe : j'ai l'immense joie de vous notifier ma totale guérison quant à ces symptômes d'énervement récurrent, et j'en profite pour remercier vivement les infinis efforts émétiques des scooby-gangs anti-tabac qui m'ont progressivement amené à voyager davantage et appris à parfaire mon organisation afin de dorénavant me ravitailler chez nos sympathiques - puisqu'encore humains - voisins européens.

Cela dit, un problème masqué en dévoilant irrémédiablement un nouveau quand on évolue dans cette sombre vallée des Maures, le salutaire chemin vers les saintes terres s'avère encore tortueux, et la bienfaisante possession du GPS sacré ne suffit pas toujours à contourner les nombreuses embûches qui nous séparent de leurs frontières.
Bref, j'ai promptement dû reporter mes derniers projets d'évasion, étant aussi avisé des dates de surveillance accrue des flux routiers que de celles d'échéance de paiement des impôts.
Ce week-end était donc diaboliquement déclaré zone rouge par le vil Bison plus cornu que fûté.
Fort heureusement pour les courageux voyageurs infidèles et récalcitrants, les fervents représentants de la Sécurité Routière sont beaux joueurs, et leur ont aimablement dévoilé dans la journée d'hier leurs plans bénéfiques visant à épargner leurs vies pendant ce difficile exode routier de fin de semaine.
En effet, les observateurs du comportement sur asphalte ayant effectué le douloureux constat qu'un automobiliste lambda redoublait de prudence à la vue d'un policier en uniforme et par conséquent encourait le risque de conserver les points de son permis de conduire ainsi qu'une somme raisonnable sur son compte bancaire, il fut donc décidé d'affubler les valeureux néo-collecteurs de gabelle en simple quidams afin de - je cite - "mieux faire preuve de pédagogie et de prévention".

Je me demande si la Corée du Nord ne va pas devenir une destination prisée pour les vacances, à force.