"Depuis qu'on me l'a interdit, je ne fume plus. Je remercie vivement l'initiative du gouvernement qui a changé ma vie."
Tels sont les propos recueillis (ici grammaticalement corrigés) lors d'un reportage récemment diffusé sur France 2, destiné à illustrer la soudaine baisse de 10% de vente de cigarettes sur le territoire français.
Dépoussiérons donc nos serpentins et autres artifices carnavalesques, et saluons comme il se doit cette énorme victoire pour les justiciers politiques, les associations inquisitoires de guillotineurs de pipes, les fervents adorateurs au premier degré du Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, et balayons dans les recoins du bon sens les propos des buralistes européens frontaliers qui observent de leur côté une nette augmentation des efforts linguistiques de leurs voisins français et une hausse simultanée de leur chiffre d'affaires.
Dossier clos ? Que nenni ; il reste à éradiquer ce ramassis de fumeurs français récalcitrants. Après les avoir assimilés à la lie de la société et interdit leurs rassemblements dans des établissements autrefois dédiés à l'épanouissement culturel et social, il faut encore leur procurer d'innombrables angoisses culpabilisantes, par le biais de photographies choquantes qui devraient prochainement être apposées sur le précieux emballage de l'objet de leur vice dégoûtant.
Après tout, cette escalade de l'horreur audiovisuelle est déjà quotidiennement présente ; les media se complaisent à parsemer outrageusement les journaux télévisés de clichés de cadavres sanguinolents, les campagnes d'information en matière de santé publique d'images répugnantes, et les émissions musicales d'interventions bruyantes de Cindy Sander.
Ne nous leurrons pas ; nous serons bientôt TOUS inondés d'images cauchemardesques susceptibles de nous apprendre à mieux vivre dans la terreur. Ah, il est bien loin "le temps des rires et des chants", au sein d'un Jurassic Park bariolé et paradisiaque où c'était "tous les jours le printemps". On se souciait d'ailleurs bien peu à l'époque des valeurs nutritives du Gloubi-boulga ou du fait que François passait davantage de temps à souffler dans des préservatifs multicolores qu'à tenter de se reproduire avec Julie.
L'innocence n'est définitivement plus.
Permettez-moi de penser qu'à ce rythme-là, en raison de cette pénurie sans cesse grandissante d'images agréables et rassurantes, les albums illustrés des aventures de Martine se vendront prochainement à prix d'or sous le manteau.
Force est de constater qu'on n'offre plus du rêve ; on vend dorénavant du dégoût, de la frayeur, et surtout de la culpabilité. Tenez-vous le pour dit : on ne meurt plus aujourd'hui ni de manière naturelle, ni par quelque fâcheux concours de circonstances ; on ne se fait embarquer par la Grande Faucheuse que parce qu'on l'a bien cherché, madame.
D'ailleurs, afin de respecter cette nouvelle logique préventive, pourquoi ne pas placarder dans les halls d'entreprises des clichés photographiques médicaux représentant les ulcères des salariés ? Pourquoi ne pas incorporer aux panneaux d'affichage de certaines grandes sociétés le portrait du "suicidé du mois" ?
Ne devenons pas utopistes ; si travailler tue, il s'agit en l'occurrence d'une mort politiquement reconnue digne et propre, ouvrant droit à quelque abattement fiscal pour la famille du laborieux défunt.
Pour le bien de tous, il convient de concentrer davantage ses efforts sur ces hordes de pauvres qui se nourrissent si mal et deviennent obèses, sombrent dans le tabagisme et l'alcoolisme par pur mépris de leur prochain, polluent délibérément l'atmosphère avec leurs véhicules obsolètes...
... et par conséquent gangrènent sournoisement l'existence proprette des imbéciles heureux.
Entre nous, mesdames et messieurs les dictateurs de la pensée basique et réductrice, ne vous donnez pas tant de mal. En ce qui me concerne, dans un prompt élan de générosité, je vous fournis le précieux renseignement suivant : faites tout simplement imprimer les couleurs du drapeau français sur mon paquet de cigarettes préférées, et je vous promets d'arrêter de fumer sur le champ.
mardi 20 mai 2008
Traitement de choc
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Afin de compléter votre tableau clinique fort intéressant, je me permets de vous faire part des résultats d’une étude allemande récente : Sourire au boulot est dangereux pour la santé.
RépondreSupprimerBienvenu en 2008 !
En ce qui me concerne, je crois que je vais m’acheter une île sur Second Life. Pour l’instant, on y a encore le droit de façonner son environnement à sa guise (à condition d’avoir les moyens).
Ouah! quand un sujet vous tient à coeur! énergique et dense, ce billet... Mais en lisant la fin, je vous dis "halte-là, malheureux, ne parlez pas de couleurs du drapeau sur les paquets, quelqu'un ds ces "hautes" instances pourrait vous entendre, vous leur donnez des idées gratis (et à l'encontre de votre intérêt?), prenez garde qu'ils ne vous croient (mais je sais que vous avez une porte de sortie: quel drapeau français aurait le droit de s'inscrire sur des M. ou JPS ou...? de la pure SF, mais on ne sait jamais (les oreilles d'Internet nous écoutent)...
RépondreSupprimerUne vie sur Second Life: c'est déjà cerné, j'ai lu qq part qu'un habitant virtuel de SL consommait déjà en électricité la même chose qu'un Brésilien réel, par exemple... Les écologistes vous auront à l'oeil, cm, si ce n'est les protagonistes de la santé d'abord. Il semblerait que bientôt le virtuel et Internet deviennent les supports les plus gros consommateurs d'énergie au monde...
RépondreSupprimerDonc, l'île, il faudra la choisir vite et bien, mais ne pas imaginer y finir ses belles années...
Well, Jarod, I hate to disagree with you, but I don't care what's on the packet - if only it contained the high-quality cigarettes I enjoyed in my youth!
RépondreSupprimerVous parlez d’Aldous Huxley. Voici une citation que j’ai trouvée (comme d’habitude par hasard) sur un site allemand :
RépondreSupprimerDie medizinische Wissenschaft hat in den letzten Jahrzehnten so ungeheure Fortschritte gemacht, dass es heute praktisch keinen gesunden Menschen mehr gibt.
(La médecine a fait tellement de progrès ces dernières décennies qu’il n’existe pratiquement plus d’être humain en bonne santé de nos jours.)
"(La médecine a fait tellement de progrès ces dernières décennies qu’il n’existe pratiquement plus d’être humain en bonne santé de nos jours.)"
RépondreSupprimercm: Excellent!!!
D'ailleurs à la seule vue d'un médecin, je me sens déjà mal, est-ce l'expérience qui dicte incidemment la réaction adéquate à mon cerveau délétère?
" Depuis qu'on me l'a interdit, je fume encore davantage, par pur esprit de contradiction..." Lola, époumonnée.
RépondreSupprimerMaintenant qu'on ne fume plus au café mais dehors, tous les fumeurs se sont donné le mot: tous à fumer en marchant! L'autre jour, je descends de place de clichy à st-lazare par la rue d'amsterdam, tout le long, j'ai dû presser le pas car je toussais derrière chaque piéton(-tonne): ils fumaient tous, avidement... (évidemment) Bien que ça ne me dérange pas quand on stagne et que je peux pencher la tête quand on était au café par exemple pour éviter la fumée, tout allait bien, voilà-t-y pas que quand on respire à pleins poumons l'air (déjà vicié) de paris, paf, en plein effort, les fumées poisseuses vous arrivent en plein nez: je n'ai jamais descendu cette rue aussi vite que ce jour-là (maintenant, je prends des chemins de traverse, c'est plus tranquille côté poumons,encore que, il faut éviter les rues à voitures, ça devient intenable par cette chaleur!
RépondreSupprimerC'était le cri de contradiction de Fleur dans la rubrique "comment énerver un peu plus un fumeur impénitent à qui on a interdit les lieux publics intérieurs"...
teuf teuf (non, là, ce sont les pots d'échappement du boulevard des Batignolles: marché bio pour bobo, grosses voitures et vélos (ben oui, les 4x4 c'est pas pour les pauvres), y a de la concurrence côté goudrons...
Bises (quand même?)
Tjs vivant? En touriste au Canada, ou homme d'affaires à Pékin? Je n'entends que l'écho de mon post, la grotte aux épinards semble bien vide en ce printemps...
RépondreSupprimer